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Photo du rédacteurAtlas, impros du monde Bruxelles

Un tour du monde de l'impro avec Flavien Reppert ! INTERVIEW

En 2020, bien avant la création d'Improvyglot et d'Atlas Bruxelles, Laurie s'intéressait déjà à l'impro au delà des frontières! Elle a décidé d'interviewé Flavien Reppert, découvrez l'article ci-dessous, publié sur le blog d'Atlas impros du monde Bordeaux en 2020:


La semaine dernière, j’ai fait mon premier spectacle d’impro en anglais ! J’ai beau le parler quotidiennement dans le cadre professionnel, j’étais pleine d’appréhension : est-ce que mon cerveau va réussir à trouver ses réflexes d’impro dans une autre langue ? Il se passe quoi si je comprends pas ce qu’on me dit ? Ou si les autres ne comprennent pas ce que je dis ? Et si je ne trouve pas mes mots ?

 

Heureusement, peu de temps avant, j’ai interviewé Flavien Reppert ! Ça m’a beaucoup rassurée, face à cette nouvelle expérience. Maintenant, je peux même dire : ça s’est hyper bien passé, et j’ai déjà hâte d’être au prochain. Et puis, surtout, j’ai trouvé que Flavien avait raison : on n’est pas tout à fait le même improvisateur dans une autre langue, mais ce qui est sûr c’est qu’on fait beaucoup moins de blabla, même quand on est à l’aise. Je me suis au final sentie hyper détendue, hyper à l’écoute, et peut-être un peu plus audacieuse que d’habitude, comme si le côté « une autre langue » poussait à tenter des trucs un peu plus fous. Mais je vous laisse découvrir plus en détail ce que Flavien a partagé avec moi de son expérience incroyable !

 

Flavien, c’est Monsieur « Tour du monde de l’impro » avec actuellement 27 pays au compteur !  Il pratique le théâtre et l’improvisation depuis plus de vingt ans. En 2003, après avoir écumé tous les tournois amateurs, il fonde La Compagnie du Théâtre de l’Oignon qui pratique l’improvisation de fond en combles ! Formé au Conservatoire de Strasbourg, il développe et affine son style en apprenant constamment auprès des mentors de la scène d’impro internationale. 

 

Laurie : Est-ce que tu parles 20000 langues ou est-ce que tu fais de l’impro en anglais partout ? 


Flavien : Je fais de l’impro majoritairement en anglais, mais je parle 6 langues (même 6 et demi) et je baragouine un peu dans d’autres. Donc je joue principalement en anglais, un peu en italien, j’ai joué en allemand à l’occasion (j’ai joué en allemand en Italie d’ailleurs, c’est assez drôle), je vais jouer pour la première fois en portugais en Février, qui est ma deuxième langue maternelle, au Festival Espontaneo.


L : Entre parler une langue et pouvoir faire un spectacle d’impro dans cette langue, y a quand même un pas. C’est un sacré challenge, non ? 


F : Ça parait difficile au début. Je me souviens de mon premier festival en anglais, même si j’avais un bon niveau, j’avais du mal ! Au début ça peut être un peu fatiguant si tu ne pratiques pas trop les langues étrangères, et puis surtout t’as cette envie de jouer comme tu joues dans ta langue maternelle ce qui ne marche pas du tout. En fait j’étais trop dans le « vouloir faire », dans les objectifs, et, comme pour l’impro en général, c’était pas la bonne attitude. 

Mais au final je trouve que c’est beaucoup plus simple de jouer dans une langue étrangère ! C’est important de bien comprendre ce que tes partenaires racontent donc il faut un bon niveau de compréhension…et encore, j’ai joué dans des spectacles en Polonais sans comprendre le Polonais, et ça marche quand même, donc il faut se détendre par rapport à ça. Je m’amusais avec le peu que je comprenais, pas besoin de grand-chose, il suffit d’un mot un peu international, d’une attitude, d’une émotion et tu joues avec. Et les autres savent que tu comprends rien donc ils sont en soutien, au service de ça, et idem avec le public qui est déjà super indulgent avec les improvisateurs en général, il l’est encore plus quand il comprend que ce n’est pas ta langue maternelle.

Je pense que je suis meilleur en anglais, je suis plus simple, plus efficace, j’ai pas tout un vocabulaire et mille cordes à mon arc, donc c’est un avantage car tu es plus à l’écoute. Tu regardes plus le corps de l’autre, tu t’appuies sur ses émotions, son regard, tout ce que tu peux voir et pas entendre. 

Ça t’oblige à faire le job naturel d’un improvisateur qui est de fermer sa gueule, écouter et être focus sur son partenaire pour choper des infos intéressantes et lui dire oui !


L : L’impro c’est partout pareil ? 


F : C’est plutôt par communautés. Pour nous les francophones il y a une grosse influence du match d’impro, une culture assez compétitive ou les egos sont un peu plus en avant. Moins de bienveillance naturelle dans le jeu, moins de soutien qui est une évidence dans d’autres parties du monde. C’est bien sûr à nuancer, aujourd’hui on a moins cette influence du match, beaucoup de compagnies pro qui voyagent apportent d’autres visions, font des ponts. Des théâtres comme l’Improvidence ou l’Improviste en Belgique qui font découvrir des nouvelles choses participent à ça. Moi je suis conscient des forces de l’éducation francophone/latine mais ça m’intéresse de faire des ponts avec d’autres approches.


L : Dans les autres pays c’est donc plutôt une influence anglophone ? Et les francophones sont à part ?


F : Ça dépend, le match est assez répandu en Espagne, en Italie, etc. Donc ça influence aussi l’Amérique latine, l’Afrique et notamment le Maghreb. En Europe de l’Est c’est souvent une influence plus américaine. Ça a démarré il y a environ 10 ou 12 ans avec l’influence de Who’s line is it anyway ou par le biais du stand up. 

Je connais peu ce qui se fait en Asie mais j’ai vu des Taiwanais, des Singapouriens, ou des Chinois en Australie. La culture impro est très jeune mais tu sens l’influence de la culture au sens large dans leur façon d’être sur scène, leur présence. Idem en Turquie où il y a une couleur culturelle marquée même s’ils sont souvent formés par des occidentaux, ils amènent leur culture des arts et du théâtre là-dedans. C’est ça le plus savoureux à explorer pour moi dernièrement.


L : Toi tu préfères quoi ? 


F : Tout est super intéressant, j’ai été éduqué au match mais j’en ai eu marre et j’en suis sorti. Puis j’ai voyagé et j’ai senti le clash entre ma culture et la culture anglophone qui met en avant le « soyez positifs et soyez dans le moment », c’était pas naturel pour moi au début. Et puis plus t’en fais, plus tu vois le résultat et tu vois ce que ça donne en spectacle. Je trouvais que ça allait plus loin sur scène, que c’était plus profond, plus intense, mieux joué. C’était un nouveau monde qui s’ouvrait, et c’est cool de ne pas rester enfermé dans un truc. Puis essayer de passer tout ça dans un prisme et d’en faire un truc multicolore, avec différentes saveurs. 


L : Ton pire souvenir d’impro internationale ? 

 

A mon premier Festival, j’ai reçu une grosse leçon d’humilité, de positivité et de bienveillance ! On jouait les origines de Random, qui à l’époque était innovant et expérimental chez nous, ça fonctionnait hyper bien, c’était il y a 10 ou 12 ans. On arrive avec un spectacle auquel on tient, auquel on croit et on critiquait très fort les spectacles des autres. Au final, ça parlait juste de notre angoisse à nous, on essayait de se valoriser pour se rassurer. Et on s’est vautrés en fait ! Le spectacle est devenu ultra négatif, dark, nul, horrible, on ne s’aidait plus, on était en détresse totale. De bons amis que j’ai gardé de là-bas m’ont dit « on a souffert, on avait hâte que ça se termine ». C’est une super leçon parce qu’on fanfaronnait et au final on s’est ramassés. On était trop concentrés sur « être les meilleurs » alors que dans d’autres cultures il y a un truc plus englobant, comment s’améliorer ensemble, faire un meilleur spectacle collectif. 


L : Et ton souvenir le plus cool d’impro internationale ? 


F : Un collègue flamand qui m’appelle et me demande « tu fais quoi le weekend prochain ? ».  J’étais dispo mais le dimanche je devais être à Nancy pour jouer avec un pote italien. Il me dit : « Tu veux venir jouer le premier duo de longform à Dubaï ? ». J’ai dit oui et j’ai fait 48h à Dubaï pour être rentré le dimanche, et sur scène ça a super cliqué donc assez dingue !

Ça ramène à ce pour quoi j’aime l’impro, c’est les gens, la culture. Tu vas partout dans le monde, tu retrouves l’esprit de la communauté, ses valeurs. Si tu rencontres un improvisateur, tu lui ouvres ta porte, ton frigo, c’est fou il n’y a ça nulle part, cette confiance. 


L : Est-ce que tu dirais que l’impro a un caractère aussi universel que la danse ou la musique par exemple ? Je peux aller n’importe où et échanger avec les gens en communiquant par l’impro ? 


F : Oui je pense que ça a ce potentiel-là !  Mais à nous de faire en sorte que ça soit mis plus en lumière, pour que les valeurs et la philo de l’impro soit connues et disséminées. C’est Robert Gravel qui disait : « Un jour l’impro règnera en maitre sur le monde et les peuples seront réunis grâce à elle » ! Donc oui j’ai envie d’y croire, j’arrive à m’éclater dans un spectacle avec des polonais alors qu’on ne parle pas la même langue juste parce qu’on a la même culture de « hey prend ce que te donne l’autre ». On est tous capables de se comprendre, les mots ne sont pas si importants, ils aident pour les choses pratiques mais pour les choses humaines et universelles, pas besoin. Notre job c’est de faire avec ses partenaires, d’accepter ce qu’ils sont et ce qu’ils ont à nous offrir. Il faut que tout le monde fasse de l’impro, que ça se répande !

 

L : Se servir de l’impro pour promouvoir l’intégration et aborder les questions de multiculturalité, comme Atlas, ça marche ?


F : Ça marche à fond car avec l’impro tu n’es pas face à un medium dur, c’est du médium volatile : jouer avec qui tu es et apprendre à composer avec l’autre. Ça apprend à se mettre dans la perspective de l’autre, à dire oui aux intentions de son partenaire, à chercher ce dont il a besoin, qui il est et d’où il vient, à être ensemble, à être positif et sourire à l’autre. Gérer la question de la langue, c’est pas si compliqué, y’a pleins d’exercices pour le faire. On est cette couche de l’humanité qui sait « faire ensemble », il faudrait que tout le monde ait ces valeurs-là dans la tête et le corps. C’est hyper important donc continuez, faites Atlas !! 

 

Conclusion, l’impro n’a vraiment pas de frontières ! Merci à Flavien pour cette interview inspirante ! Moi ça me donne envie de faire encore plus d’impro dans d’autres langues, dans d’autres pays, dans d’autres contextes. Et quand on n’a pas la possibilité de partir loin, on peut toujours découvrir des Festival d’impro internationaux, y’en a dans toute l’Europe, y compris en France, et ils rassemblent des improvisateurs du monde entier. Ça vaut le coup non ? 


Si vous le souhaitez, vous pouvez retrouver Flavien sur son site ou sur Facebook.



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